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L’interview Love de Malo

5 mars 2021

Malo a 26 ans.
Né dans un corps féminin, il a entamé il y a six mois une transition pour enfin « devenir celui qu’il a toujours été ». Malo suit depuis peu une thérapie hormonale et envisage plus tard une chirurgie de réassignation sexuelle. Malo se définit comme transgenre et non pas comme transsexuel.
Le terme transsexuel est de moins en moins utilisé par la communauté trans, car il n’est pas assez inclusif.
Il sous-entend en effet qu’une transition est liée à un changement de sexe et ne reflète donc pas la diversité des parcours puisque certaines personnes transgenres n’entament jamais de thérapies hormonales ou de chirurgie génitale.  Parmi les mille et une préoccupations qui animent Malo depuis qu’il a débuté sa transition, l’une des principales est sans conteste sa future vie amoureuse.
C’est avec inquiétude, mais courage qu’il se confie sur ses craintes et sa peur que sa transidentité ne l’empêche de trouver l’amour.

À l’heure actuelle, quelle est ta situation amoureuse ?

Je suis célibataire. Ma dernière relation a été avec Élise. Nous sommes restés ensemble presque trois ans. Nous avons rompu il y a un peu moins d’un an, mais nous sommes toujours très proches. Nous sommes passés de l’amour à l’amitié. Élise me soutient énormément dans ma transition, lorsque je lui ai annoncé mon besoin de devenir celui que j’ai toujours été, elle a été d’une grande aide, elle a tout de suite accepté et m’a encouragé. Elle fait partie du petit cercle d’ami·e·s très proches à être dans la confidence et qui m’écoutent, me guident, me rassurent sur mes craintes.

Parmi ces craintes justement, l’une d’elles est de ne pas vivre une vie de couple épanouie une fois ta transition achevée…

L’une des questions qui m’obsède, c’est de savoir si je suis en train de sacrifier ma chance de trouver l’amour au profit de mon bien-être. Transitionner, c’est vital pour moi et je ne peux imaginer faire machine arrière, mais j’ai aussi très peur que cela implique de renoncer à l’amour. Trouver quelqu’un est déjà tellement compliqué pour les personnes cisgenres (personnes dont le genre correspond à leur sexe de naissance) et hétérosexuelles, qui ne souffrent pas de discrimination, alors pour celles et ceux issus des minorités, en particulier les personnes transgenres, ça me semble parfois insurmontable.

Concrètement, pourquoi penses-tu qu’en tant que transgenre tu auras plus de mal à trouver l’amour ?

Je n’ai aucun doute sur le fait que je tombe amoureux de femmes, en revanche, je ne suis pas certain que la réciproque soit vraie. Si je suis séduit par une femme, sera-t-elle ok avec ma transidentité ? Acceptera-t-elle de sortir avec moi, de m’embrasser, de faire l’amour avec moi ? Je suis tout à fait prêt à expliquer, laisser du temps à l’autre pour intégrer ma transidentité et tout ce que cela implique, mais j’ai peur de passer ma vie à craquer sur des gens qui ne voudront pas de moi.

Tu t’attends à être souvent rejetté ?

Oui. Je n’ai pas encore commencé à draguer que ce soit en live ou sur des applications donc j’espère me tromper, mais je préfère me préparer. Il y a un ou deux ans, une étude canadienne avait montré que seulement 1,8 pour-cent des femmes hétérosexuelles et 3,3 pour-cent des hommes hétérosexuels étaient prêts à envisager de sortir avec une personne transgenre. Ce n’est pas très encourageant. Attention, je comprends tout à fait qu’on ne souhaite pas sortir avec moi, ou même qu’on ne soit pas forcément à l’aise d’entamer une histoire avec une personne transgenre, mais j’angoisse de la manière dont je serai éconduit. Si c’est fait avec respect et bienveillance, aucun problème. En revanche, je ne sais pas si j’oserai continuer à chercher l’amour, si je suis rejeté avec haine ou violence. Et surtout, je me demanderai toujours si c’est ma personne qui ne plaît pas, ou ma transidentité, soit par dégoût, soit par peur du qu’en-dira-t-on.

Il y a un ou deux ans, une étude canadienne avait montré que seulement 1,8 pour-cent des femmes hétérosexuelles et 3,3 pour-cent des hommes hétérosexuels étaient prêts à envisager de sortir avec une personne transgenre.

Le regard des autres est l’une de tes angoisses ?

Oui. Je n’en ai pas peur à titre personnel mais je crains que mon entourage, notamment les femmes qui me plaisent aient du mal à y faire face.  Par exemple, admettons que mon crush soit ok avec la transidentité, en sera-t-il de même de sa famille, ses amis, ses collègues ? Je veux pouvoir embrasser ma copine ou lui tenir la main dans la rue sans la mettre mal à l’aise ou que son entourage nous lance des regards de travers. Je discute régulièrement sur des forums avec des personnes transgenres, hommes ou femmes, et je sais que se mettre en couple avec une personne cisgenre hétérosexuelle peut occasionner pas mal de difficultés. C’est en particulier le cas pour les femmes transgenre, car pour beaucoup de personnes, demeure l’idée qu’elles ne sont pas de « vraies » femmes, qu’au fond elles restent toujours un peu des hommes. Cela entraîne beaucoup de réactions transphobes mais aussi homophobes.

En plus du regard des autres, tu confiais craindre pour ta santé mentale et physique…

Il y a aussi la peur des violences et des discriminations, oui. Je viens de lire « Sociologie de la transphobie » des sociologues Arnaud Alessandrin et Karine Espineira. Ils estiment qu’au moins 85% des personnes transgenres seront agressées (verbalement ou physiquement) au cours de leur vie. Ce chiffre me glace le sang. Je veux pouvoir vivre ma vie et draguer une femme sans craindre de me prendre un coup ou d’être insulté pour ce que je suis.

Ces peurs pourraient-elles t’empêcher d’affirmer haut et fort ta transidentité ?

Pas au point de me taire, mais assez pour réfléchir à qui je le dis et comment. Savoir quand aborder le sujet est l’une de mes interrogations. Par exemple la semaine dernière lors d’un apéro skype avec une amie et plusieurs de ses potes que je ne connaissais pas, j’ai fait la connaissance d’une fille avec qui le courant est tout de suite passé. Après la discussion, elle m’a ajouté sur Instagram pour m’envoyer des messages. Clairement, c’était le début d’un flirt. Et là, je me suis demandé « je dois lui dire direct que je suis en transition ? ». Cette fille est lesbienne donc une fois achevée ma transition, je ne vais sans doute pas correspondre à ses désirs ou ses attentes amoureuses et sexuelles. Mais je n’arrivais pas à sauter le pas, à lui dire que je me sentais homme. Du coup je me suis dégonflé et j’ai arrêté de répondre à ses messages.

Une fois ta transition achevée, comment imagines-tu ta vie amoureuse ?

Calme. En tout cas au début. Pour les mois à venir, je me concentre sur moi, ma transition sociale et médicale et ma santé physique et mentale. C’est beaucoup de changement, et même si j’ai hâte et que je suis sûr de mon choix, je veux prendre mon temps avant de commencer à chercher l’amour. Surtout que je ne cherche pas à m’amuser, je cherche une partenaire de vie. Je ne veux pas enchaîner les aventures ou pire, être le coup d’un soir de quelqu’un qui veut « tester avec un trans. » Je ne suis pas une case à cocher sur une liste de fantasmes ou d’expériences sexuelles. Je veux de l’amour, de l’affection, de la tendresse, une vie de couple tout ce qu’il y a de plus banale en somme.

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